mercredi 28 septembre 2011

La force de l'âge, ou le rangement du dérangé.


Tout ça n'est pas vraiment de l'actualité la plus fraîche, mais j'ai relu récemment Mémoires d'un jeune homme dérangé, le premier roman de Frédéric Beigbeder (bon j'avoue, paru en 1990, CA VA). Comme la première fois que je l'ai dévoré, et peut-être plus encore d'ailleurs, je me suis pris une énorme claque. Beigbeder est né en 1965, il avait donc vingt-cinq ans quand il a achevé le manuscrit. Et quand on le lit, ça force l'admiration.
Tout y est, à commencer par cette vision acerbe, sarcastique et ironique de soi (il  n'y a qu'à voir la description que fait de lui-même le fameux Marc Marronnier), mais aussi des relations, qu'elles soient amicales ou amoureuses.
Marc Marronnier est lâche, égoïste, m'as-tu-vu et décadent. Il se balade dans la vie comme un gosse de riche sans but qui trouve malgré tout de quoi s'en sortir et assurer son train de vie. Il enchaîne avec indifférence les relations sans intérêt en se demandant qui sera le premier à prendre la peine de rompre. Marc Marronnier est exécrable mais attachant. Marc Marronnier est tout le monde à la fois.
Dans ses confusions d'ivrogne, il a d'incroyables moments de lucidité, énonce des vérités accablantes et touchantes sans avoir l'air d'y croire lui-même, mais où je me reconnaîs immanquablement. Certes je ne vais pas plus régulièrement à des bals costumés XVIII° à Vienne que je ne danse la valse à Venise, mais ceci mis à part, l'incapacité du héros (ou plutôt de "l'anti-héros moderne" comme on dit sur France Culture) à être naturel, à  se poser pour écouter ceux qui en valent la peine, à se retirer des mondanités et de ce train-train de représentation pour vivre réellement, tous ces traits me parlent et par certains aspects, je ne peux m'empêcher de m'exclamer dans mes pensées "putain, ce mec c'est moi".
Marc est odieux avec Anne, parce que c'est la seule qui compte et qu'une dose trop importante de ce qu'il voit comme un romantisme coulant, un "sentimentalisme bidon" (qui n'est en réalité qu'une relation relativement courante) le débecte. Il ne sait pas être simplement heureux, peut-être parce qu'avoir de quoi se plaindre et pouvoir déverser un limon de jérémiades dans l'oreille d'un autre, c'est rudement agréable. Pourtant, celle-la, même s'il s'en défend, il ne serait pas contre le fait qu'elle lui coure après dans l'une de ces grandes scènes dramatiques, tu sais, avec grosse averse en option et ruines antiques en arrière-plan. Et justement, remise en question : quand le fêtard invétéré et imbuvable rencontre Anne, c'est une routine bien installée qui s'écroule. Parce qu'Anne est enfin celle qui les réunit toutes (l'amie d'enfance - celle qui est naturelle même au réveil -, la petite fille consciencieuse, la jeune femme coquette, l'amante), Marc Marronnier va laisser tomber ses préjugés, devenir un homme rangé, accepter Anne à ses côtés, et cette fois, les petits mots doux oubliés dans les poches de ses vestes, le brossage des dents avant d'aller au lit et l'odeur des croissants au matin ne lui feront plus peur.

Frédéric Beigbeder - Mémoires d'un jeune homme dérangé (réédité chez La table Ronde).

mercredi 21 septembre 2011

Jessica garde des abeilles.



On avait déjà une série de duos mixtes assez fournie (tels les White Stripes et les Kills, pour ne citer qu'eux)... Il va maintenant falloir compter avec She Keeps Bees, groupe originaire de Brooklyn où, contrairement aux White Stripes, c'est la fille qui porte le pantalon. En résulte une atmosphère différente, tout en gardant ce côté bluesy et charnel qui nous plaît bien dans ces formations : la chanteuse définit le son du groupe par un simple et très juste "I sing until my stomach hurts while Andy beats the shit out the drums".
Après avoir sorti -trop- discrètement Nests en 2008, Jessica Larrabee et Andy LaPlant sont de retour avec Dig On, lui aussi enregistré à la maison en novembre 2010. Pour compléter le tout, l'artwork (un peu étrange) de la pochette a également été réalisé par la demoiselle.
On retrouve dans ce nouvel album la voix chaude, sensuelle même, de Jessica, qui fait parfois penser à celle de Catpower. Tantôt désinvolte, tantôt plus forte, c'est cette voix qui donne son âme à cette série de douze pépites. Parmi elles, on ne peut passer à côté de Vulture, ou encore de See me où la batterie d'Andy crée une atmosphère intense, presque électrique, sur laquelle viennent se poser les exclamations chargées de reproches de sa compagne. Dans un registre différent, le couple nous offre avec Make You My Moon et Calm Walk In The Dark des ballades chaudes aux tons graves et enveloppants dont on ne se lasse pas. Les choeurs assurés par Jessica viennent parfaire l'ensemble. Assez présents sur tout l'album, ceux-ci sont cependant parfaitement dosés, et on évite ainsi d'y voir un trop plein de fioritures qui serait malvenu sur l'album d'une formation minimaliste. Cette voix "doublée" crée l'harmonie sans verser dans la surcharge. L'album s'achève en beauté sur Burn, morceau quasi tribal, où la batterie se fait tambour indien et nous fait décoller.
Dig On est ainsi une alternance de passages implosifs -car tout en retenue malgré tout- et de moments de repos sulfureux, parfois teintés de douleur. La musique de She Keeps Bees est toute en torsions, pleine de contradictions, complexe dans son minimalisme, douce et violente à la fois. Jessica Larrabee s'y promène avec élégance, et inévitablement, on est sous le charme.

Pour partir en voyage sur le dos d'une abeille :

She Keeps Bees - Burn (The Line Of Best Fit Session)


She Keeps Bees - Vulture

Je déclare le bal des posts inspirés et inspirant OUVERT.

 

Hé oui, la guerre est déclarée. 
Humour pourri mis à part, c'est avec une émotion mal dissimulée (je trépignais de voir ce projet se concrétiser, here we are my friends) que j'inaugure les articles de ce blog. On va commencer cette aventure de dingue -dit la fille de dix huit piges qui pense changer le monde le cul sur sa chaise Ikea- avec un de mes derniers coups de coeur du moment... Le très plébiscité "La Guerre est Déclarée". Nonon, je n'avais aucune intention de parler de cette fameuse bataille qui fait rage entre les deux versions de La guerre des boutons (que je n'irai pas voir!). Il s'agit en vérité de cette guerre donzellienne qui a opéré une ascension fulgurante en termes de spectateurs depuis sa sortie. J'en ai entendu des vertes et des pas mûres à propos de ce film, j'ai lu des critiques farfelues, des interprétations étranges alors que ce film est d'une simplicité désarmante. En vérité, c'est un peu plus complexe que cela. A mes yeux, Valérie Donzelli et son cher et tendre Jérémie Elkaïm -qu'on a tendance à éclipser alors qu'il a tout autant participé au scénario du film, ont accouché d'un bijou magnifique, frais et libérateur. Une scène, tout particulièrement, m'a transporté bien loin de mon fauteuil moelleux et de mon quotidien et son lot d'emmerdes. Alors que Break Ya de Yuksek commençait à emplir la salle - et mes tripes par la même occasion, on assistait tous, bouchée bée, à la douloureuse attente de Juliette (jouée par V. Donzelli) alors que son fils subit divers scans et autres sorcelleries. Elle cours, trébuche, s'effondre. Et je me suis effondrée avec. Ouais. Rien que ça.
En tant que fille méga sensible, j'ai chialé et rigolé, et même les deux en même temps. J'ai eu l'impression d'assister à un truc énorme. Il faut savoir que j'y suis allée sans arrière pensée ni appréhension aucune puisque je l'ai vu le jour de sa sortie. Ca m'a fait aussi réfléchir sur le fait d'aller voir un film alors qu'on en a vu 20 fois la bande annonce (qui, selon moi, gâche très souvent la magie des films), qu'on en a déjà écouté la critique sur Le cercle, ou lu l'interview post-tournage (post trauma? - cf Black Swan) des acteurs et réalisateurs.
Toujours est il que ce film m'hante encore aujourd'hui, que je me demande encore où ce jeune couple a su trouvé la force de faire face à la fatalité de la maladie, à la perte brutale de leur innocence, mais aussi, par quels moyens ils réussissent à garder un œil optimiste et lucide sur la vie. Roméo et Juliette sont des gens comme vous et moi, qui ont leur lot d'emmerdes et d'ambitions, qui rêvent beaucoup, les pieds bien au sol. 
D'autre part, depuis qu'on annoncé que le film serait sélectionné pour représenter la France aux Oscars, on assiste à un pseudo débat sur la légitimité du film à prétendre à un tel honneur. Je reste sacrément septique à un tel engouement médiatique (c'est pas contre le film, mais plus contre le rôle des médias dans cette affaire), même si il est largement mérité.
Bref, allez voir le film tant qu'il est à l'affiche, ça vaut le détour. Et si vous êtes un gros dur, que les histoires de familles vous saoulent plus qu'autre chose ou que vous êtes a priori contre tous les films-chouchous du moment, dépassez tout ça et filer dépenser utilement vos 4 ou 8 euros. 

Et faites comme moi, acheter la B.O.
Nan, jdéconne. Enfin...