Ca fait longtemps que cet article attend dans un coin de ma tête. Je ne sais toujours pas vraiment comment le commencer. Je ne crois pas qu’il en aura pour autant moins de valeur. Il vient de mon ressenti personnel certes, mais si je l’écris aujourd’hui c’est surtout après avoir observé le monde qui m’entoure, après vous avoir observé, vous.
Une discussion entre étudiants allongés dans l’herbe, au soleil, les procès qui fleurissent contre le régime Dukan, un ami au régime, un autre mal dans sa peau. Il n’y a pas besoin de se rendre dans le cabinet d’un diététicien pour parler de nourriture, de maigreur, de corps. Oui, de corps, ce n’est pas un gros mot. De nos jours, qui ne se soucie pas d’être mince (maigre), bronzé, en bonne santé ? Healthy & skinny, bienvenue dans le nouveau moto du 21ème siècle. Ou peut-être pas si nouveau que ça en fait.
Je commencerais cet article en expliquant simplement le culte de la maigreur qui s’est installé bien confortablement dans notre société (et dans nos têtes). Il y a deux phénomènes à prendre en compte. Tout d’abord, comme vous avez pu le remarquer, les canons de la beauté évoluent avec les époques. Les tableaux de la Renaissance montre des blondes pulpeuses à la peau de porcelaine, alors qu’aujourd’hui l’idéal est bronzée et à les os saillant. Pourquoi ? Très simple : à l’époque, la majorité de la population travaillaient dans les champs et crevaient la dalle (donc était très maigre et très bronzée), alors qu’aujourd’hui on bosse dans des bureaux avec néons et on souffre de malbouffe. CQFD.
Deuxième phénomène : la mode, au départ un petit milieu, a du s’industrialiser. Oui, il a fallu faires des défiles & des collections plus rapidement et à plus grande échelle. Et pour cela, on a trouvé une méthode fabuleuse. Puisqu’il devenait trop gênant que le vêtement s’adapte à la femme et à ses formes, la femme s’adapte maintenant aux vêtements. Et oui, toutes les mannequins ont aujourd’hui la même forme : celle de leur squelette.

J’en viens donc à parler d’un sujet qui le mérite bien : le monde de la mode. Loin de moi l’idée de le condamner entièrement, j’ai voulu y travailler et j’éprouve toujours pour lui une grande fascination. Ca ne l’empêche pas de me foutre la gerbe.
Je ne peux pas pardonner à ces gens qui savent très bien qu’ils ont une influence sur la moitié de la planète et qui agissent de manière totalement inconsciente. Je suis la seule à avoir des envies de meurtre quand Monsieur Lagerferld déclare placidement que « une femme n’est jamais assez maigre » ? Et Madame Kate Moss est bien sympa de faire passer des excuses par son agent, mais en attendant, une fois qu’elle a dit « nothing tastes as good as feeling skinny » dans l’heure qui suit on retrouve cette phrase sur tous les blogs possibles.
Mais ils ne sont pas les seuls coupables. Notre cerveau est bombardé : affiches, clips, magazines, pubs. Il y a partout le même murmure constant : maigre-maigre-maigre. Si bien qu’on a l’impression que pour ne pas penser « trop gros(se) » le soir en rentrant chez soi, il faut être une sorte de surhomme à l’esprit entouré de kevlar. Les magazines sortent les derniers régimes à la mode à l’approche de l’été, l’appel du McDo n’en est pas moins fort pour autant, votre meilleur pote est plus maigre/musclé/bien foutu que vous. Ce monde nous demande à la fois de consommer au maximum Kinder Bueno et Coca Cola tout en étant rachitique ou bodybuildé. Pas étonnant qu’on finisse tous à moitié bipolaires.
Mais il ne faudrait pas non plus se déresponsabiliser. Le culte de la maigreur ambiant, nous l’entretenons tous les jours par nous-mêmes.
La façon dont nous nous comportons, souvent guidée par nos angoisses en fait, est conditionnée par ce vieil idéal stupide. On se retourne toujours sur cette fille si mince, on s’extasie devant les abdos démesurés d’un mannequin pour DIM, on commente l’assiette du voisin, on se plaint d’être trop gros, on se sent mal, bref, on flippe.
Pourtant, on a le choix non ? Même si c’est difficile. Oui, c’est devenu difficile voir impossible d’aimer son corps, s’accepter, ou simplement envoyer foutre le système. Je sais bien que ça n’a pas franchement de valeur parce que c’est moi qui le dit et que je conteste toujours les valeurs en place et que je ne veux jamais faire comme tout le monde. Mais est-ce que je suis la seule à trouver que ce soit dingue de voir à quel point nos propres corps nous sont devenus étrangers ? On prétend être à l’aire du libertinage, du libéralisme, de la libération. Vraiment ? Certes, les maillots de bain nécessitent de moins en moins de tissus, pour autant, crains-t-on moins l’épreuve de la plage ? Je ne crois pas non. Ca ne reste que mon opinion. Il y a aussi le fait que si on demande aux femmes et de plus en plus aux hommes, c’est parce que ça permet d’ôter le caractère sexuel d’un corps. Et dans nos sociétés la sexualité est ultra contrôlée même si on fait semblant du contraire (mais bon, ce n’est pas le sujet). Je n’arrêterais toutefois pas de le gueuler : la plupart des images que vous voyez sont retouchées à outrance, les mannequins et les stars sont anorexiques, les stars font des régimes à la con et portent des gaines. C’est pas glamour, mais en attendant, c’est la réalité.
Je crois qu’accepter son
corps, c’est la solution la plus difficile dans toute la liste. C’est tellement plus simple de considérer que pour être beau il faut un format particulier, un poids idéal, un style vestimentaire. C’est comme quand on veut se faire croire qu’avec une voiture, un palace et un compte en banque avec plein de zéros, on sera heureux. Ce serait tellement plus simple. Et c’est tellement plus simple de le croire. Parce que c’est à portée de main. Finalement, tout le monde peut un jour arrêter de manger, faire de la chirurgie esthétique ou une cure de protéines. C’est beaucoup moins dur que de se regarder dans un miroir. Mais c’est aussi beaucoup moins valorisant.
Parce qu’en fait, maigrir, dans l’absolu, tout le monde s’en fout. Pourquoi veut-on ressembler aux unes des magazines ?
Parce que correspondre à l’idéal du « beau » , c’est être bien vu, ne pas subir de critique. C’est un idéal qui – on pense – nous permettra de nous sentir mieux dans la société, avec les autres, et surtout avec soi-même. On s’amaigrit pour grossir dans son estime. L'amour, l'estime de soi & la confiance ne sera jamais une question de kilos. On ne se change pas en changeant son poids. On est obsédé par notre image parce qu’on veut être attirant, aimé, respecté, remarqué parce qu’on a tous besoin de reconnaissance et c’est putain de normal. Ca n’empêche pas que les stéréotypes et les diktats de la minceur sont un ramassis de conneries. Vous voulez connaître votre poids idéal ? Je peux le donner pour chacun de vous : c’est celui où vous êtes en bonne santé et où vous vous sentez bien. Ni plus ni moins. Et celui ou celle qui ose vous dire le contraire est un crétin fini qui ne mérite même pas votre attention. Voilà qui est dit.
C’est dur à voir, à ressentir. Mais arrêtez d’acheter des magazines, rendez-vous ermétiques à toutes ses images de perfection factices, sortez, regardez le monde avec des yeux nouveaux, mentez-vous si nécessaire. Les humains ne sont pas des kilos. Vous êtes humain.
«On maigrit parce que l'on veut de l'espoir. Les femmes qui souhaitent maigrir toujours plus font une projection sur leur future minceur, elles pensent que leur vie, dans tous les domaines - relations sociales, professionnelles, affectives - sera meilleure lorsqu'elles seront minces, qu'elles réussiront mieux dans leur travail, qu'elles seront plus dignes d'être aimées, etc. Car la minceur, et donc la maîtrise du poids, est devenue la mesure étalon de la capacité de chacun à dominer et à réussir sa vie. [...]
Maigrir procure une jouissance psychique, celle de maîtriser sa vie. Par ailleurs, c'est aussi une manière de montrer leur autonomie, leur côté vivant et sauvage, alors que l'on vit dans une société de consommation».
Ce que cet extrait montre aussi, c’est que maigrir est thérapeutique. En maigrissant, on se soigne, on se purifie. En tout cas, c’est l’impression qu’on a. Pourtant, tout ce qu’on fait généralement, c’est se foutre en l’air. Il n’y a qu’une seule et unique manière de maigrir et c’est de manger à peu près équilibré et faire du sport. C’est très chiant à entendre (à lire aussi je suppose) et beaucoup moins sympa que de croire aux promesses de régimes miracles (grâce auquel vous reprendrez deux fois plus de kilos que ce que vous aviez perdu).
On a fini par traiter notre corps comme un étranger, voir carrément un ennemi. On le tord, on le malaxe jusqu’à la moelle pour qu’il plaise aux autres. Et finalement, avec dix kilos de moins, on ne se plait toujours pas. C’est normal. Personne ne pourra jamais aimer votre corps comme vous pouvez le faire. Essayez. Essayez parce que je jure que ça en vaut la peine. Parce que ne pas supporter les miroirs et pleurer à chaque fois qu’on a le malheur d’en croiser un, ça n’a pas de sens. Vous ne serez jamais parfaits. On essaye de nous faire croire que telle ou telle chose peut nous transformer, mais non. Vous êtes vous, et c’est irrémédiable. Mais c’est bien comme ça.
Le corps humain se dissèque, mais aussi, il se respecte. En le maltraitant, on ne fait que rejeter ce que l’on estime de détestable en nous. Mais nous avons tous une part d’ombres, et elle mérite qu’on la respecte. Elle a souffert. Votre corps aussi. Et ce que j’ai appris, c’est qu’un corps pardonne rarement, et jamais totalement. Foutez-le une fois en l’air, vous pouvez être sûr que ce sera la dernière.
La première fois que je me suis vraiment regardée, c’était dans le miroir d’une salle de danse. C’est là que j’ai commencé à accepter. En faisant du modèle vivant, je me suis rendue compte que dessiner des filles maigres étaient très ennuyeux. Les formes sont bien plus drôles. Elles font des traces bien plus jolies sur le papier.
Je me suis aussi trouvé belle dans le regard de certaines personnes qui se reconnaîtront pour certaines. S’il n’y a pas de remerciements assez forts pour cela, il y a une chose à en retenir : vous avez du remarquer que lorsque vous aimez une personne, vous avez tendance à la trouver plus belle, à vous fichez de ses défauts, à apprécier son langage corporel. Et bien pour vous, c’est pareil.
Le matin, faites-vous un grand smile dans le miroir. Ce n’est pas parfait, mais c’est vous, et ça vous correspond. Et si jamais quelque chose ne vous convient vraiment pas, notre monde regorge de solutions : coiffeur, maquillage, crèmes de toutes sortes, câlins, salles de sport et j’en passe ! Et puis si un jour vous avez : une tronche de déterré, des cernes, mauvaise haleine, la crinière indomptable (avec les règles ou la gueule de bois en bonus) et pas envie d’être beau, bah merde, vous avez le droit !
On a qu’une vie et je trouve ça rudement dommage de la passer à se dire « je suis moche ». Trouvez ce qui vous émoustille, la vie c’est fait pour ça. Moi c’est la danse, la course, vous ça peut être n’importe quoi. Ah, et petit rappel, manger ne fait grossir, non, ça fait plaisir. Et le principe de la vie à la base, c’est ça, se faire plaisir.
Et vous savez quoi ? Je refuse de croire qu’être beau est une question de poids, de musculature ou de longueur de cheveux. La plus belle fille que j’ai jamais rencontré est petite et porte une crête. Je la trouve belle parce qu’elle brille. La beauté c’est ça. C’est aussi cette personne qui se ramène avec charme et assurance. Et Weight Watchers n’a rien à voir avec ça.
J’ai quelque chose d’encore moins agréable que le reste à dire (mais comment fait-elle pour trouver des choses toujours plus déplaisantes ?). Si nous sommes toujours plus obsédés par nos corps, c’est aussi parce que nous sommes toujours plus narcissiques. Je ne renie absolument pas le mal être corporel universel, mais notre société pousse à l’individualisme et l’égoïsme et ce dans tous les domaines. Avoir quelques kilos en trop ou un bouton sur le nez n’a pas le même niveau d’importance que l’état actuel de la Syrie ou tout simplement le dernier rencard de votre meilleure amie. En gros, on respire et on fait un câlin à la première personne qu’on croise. Ca va mieux après.
C’est pas dur de voir ce qu’il y a de beau chez les gens. Parce qu’on a tous quelque chose de beau. Je vous jure c’est fou. Les gens foncièrement laids sont très rares. A vrai dire, presque inexistants quand on sait regarder.
Il y a aussi des gens qui vont dans le bons sens et se battent contre les diktats de la minceur. Je salue entre autres Sophia Bush pour sa campagne « zero is not size » et pour avoir refusé de maigrir pour satisfaire Hollywood. Toutes n’ont pas sa force de caractère et d’esprit, surtout dans ce milieu. On pense aussi à Isabelle Caro, qui a eu le courage de participer à une campagne contre l’anorexie. Elle pesait 31kg pour 1m64. Elle est décédée à 28 ans. J’espère qu’un jour on vivra dans un monde où aucune fille de 14 ans ne dira « je suis grosse » alors qu’elle pèse moins de 50 kilos pour 1m75.
Alors il faut rester éveillés à la beauté, quelque soit la forme (ou les formes) sous laquelle elle se présente, parce que la beauté ne se chiffre pas, parce que notre valeur ne dépend pas du nombre qui s’affiche sur la balance.
Le personnage de Derek dans American History X dit qu’il est bien de finir une rédaction par une citation. Ayant eu la chance d’être entourée de personnes qui savent trouver les mots, c’est ce que je vais faire. Parce que certains mots n’ont pas d’égal…
« Tu prends un malin plaisir à gâcher ta beauté... Comme si tu croyais que tu ne mérites pas d'être saluée pour tes vertus... C'est con quand même... Tu es belle, et tu t'efforces de vouloir disparaitre. Tu es intelligente et tu t'évertues à te mettre le crane...
Accepte toi aussi magnifique que tu es. »
Je crois que tout est dit.