Sortir la galette noire de sa pochette cartonnée, la poser. Actionner le bras, mettre tout doucement la tête dans le sillon. Craquement. Voix éraillée, brisée, textes graves.
Gil Scott-Heron. Le génie qu'on oublie trop. Ingratitude des contemporains pour ce qu'on leur a laissé. C'était quelqu'un d'engagé, d'atypique, un marginal, dans le bon sens du terme (pourquoi être en bordure serait-il péjoratif d'ailleurs ?). Une poésie scandée ou chantonnée, mais toujours habitée. Sur l'album I'm new Here, c'est la voix parfois chevrotante d'un vieil homme que l'on entend. Une voix fragile par moments, mais sans concession pour celui qui se regarde dans le miroir.
Standing in the ruins of another black man's life Or flying through the valley separating day and night, "I am Death", cried the vulture for the people of the light. Karon brought his raft from the sea that sails on souls And saw the scavenger departing, taking warm hearts to the cold. He knew the ghetto was a haven for the meanest preacher ever known In the wilderness of heartbreak and desert of despair. Evil's clarion of justice shrieks a cry of naked terror Taking babies from their mamas, leaving grief beyond compare. So if you see the vulture coming, flying circles in your mind, Remember there's no escaping or he will follow close behind. Only promise me a battle. Battle for your soul, and mine.
Tout est mis à nu, de la déliquescence du corps et de l'âme face à la drogue -qui l'avait déjà rendu célèbre avec Angel Dust ou The Bottle - à une enfance tendue ( le très beau On Coming From a Broken Home, sorte d'alpha et d'oméga de cet album). Des textes en forme d'autobiographie, mais pas de confession. Si Gil Scott-Heron pouvait alors donner, selon certains, l'image d'un vieux débris rempli de crack qui tentait de rappeler son existence au grand public en écrivant cet album depuis la cellule où il purgeait sa peine pour trafic de cocaïne, on décèle sans peine une âme, une dignité sans faille sur ces morceaux qu'on devine accouchés dans la douleur. Ce serait dommage de l'oublier.
Gil Scott-Heron est décédé le 27 mai 2011 à New York, à l'âge de 62 ans. On l'entendrait presque encore chanter, comme un clochard céleste sur les traces de Kerouac :
Yeah the doctors don't know, but New York was killing me,Bunch of doctors coming round, they don't knowThat New York is killing meYeah I need to go home and take it slow in Jackson, Tennessee
I 'm gonna take myself a piece of sunshine and paint it all over my sky. Be no rain. Be no rain.
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